lundi 9 mai 2016

Les décisions européennes qui peuvent réglementer notre système de santé

Comment sont prises les décisions européennes qui viendront ensuite réglementer notre système de santé et nos lois Françaises ? Lois, jeux de réseaux et d’influence : les acteurs sur scène et… en coulisses.

Le texte fondateur de l’Union Européenne : protecteur de la santé humaine :

Même si les domaines les plus touchés par la réglementation européenne concernent plus souvent l’agriculture, les banques et l’environnement, la santé n’est pas oubliée et se voit dotée d’un Troisième plan Santé 2014-2020 qui poursuit 4 grands objectifs : prévention, protection, innovation et amélioration (voir article). De même, si les politiques de santé restent encore majoritairement du ressort national, les décisions Européennes influencent notre façon de consommer ou encore les politiques de prévention de notre pays. La Santé est en enjeu transversal.

Comment fonctionne l’Union Européenne ?

Si le parlement est le plus connu sur la scène législative, il n’est pas pour autant l’initiateur des textes. L’Union Européenne repose sur un triangle de décision avec la Commission à sa tête. Considérée comme la gardienne des traités, son but est d’initier, de développer et mettre en œuvre la législation communautaire.
Les outils à sa disposition sont les propositions législatives, les consultations d’experts et la publication de livre vert (rapport officiel sur des propositions destinées à être discutées, en vue de l’élaboration d’une politique) et blanc (recueil d'informations d’aide à la prise de décision).



La procédure législative repose sur le principe de co-décision entre le Parlement et le Conseil européen. Lorsque la Commission propose un texte, le Parlement et le Conseil discutent et votent en « 1ère lecture » afin de donner leurs avis sur la proposition. Si le vote est positif, le texte est adopté, sinon il retourne auprès de la Commission avec les propositions d’amendement des deux institutions. Le texte est révisé puis proposé à nouveau au vote.

Jeux d’influence, de réseaux : les coulisses

Les parlementaires et les députés ne sont pas les seuls acteurs du Règlement Européen.
On parle aussi de Lobbying. Ce terme a une connotation négative en France, assimilée au trafic d’influence et à la corruption. Il semblerait au contraire que la profession résonne au son de la transparence et de l’éthique.
Agences de relations publiques, ils œuvrent souvent en coulisses auprès des parlementaires, des membres du Conseil et des ministères nationaux.
« Avoir le bon timing et maintenir son réseau »
Leur action doit idéalement se situer en amont de l’écriture de la loi, avant que celle-ci n’entre dans le long processus de co-décision et de relectures. L’argumentaire doit être résumé en quelques minutes aux preneurs de décision.
Concrètement, cela se traduit par le contact auprès des bonnes personnes dans les couloirs de la CE  notamment mais aussi via des actions de communication telles que des événements, des actions sur les réseaux sociaux, la publication d’articles, le suivi des débats et les actualités.
La réussite d’une action de lobbying passe par une cartographie précise et complète de tous les influenceurs actifs. Il faut donc définir tous les acteurs, experts et orateurs (KOL), ainsi que les médias forts.

Exemples de textes Européens qui sont aujourd’hui appliqués sur les territoires nationaux.






L’étiquetage nutritionnel : statu quo

Pour lutter contre une obésité en forte croissance, l’UE s’est emparée de la question. C’est ainsi que le règlement européen INCO, information des consommateurs sur les denrées est entré en application le 13 décembre 2014. Il fixe de nouvelles règles pour faciliter la lecture de l’étiquetage au bénéfice de l’information pour le consommateur : la lisibilité par la typologie sur les emballages, ou encore des tableaux de valeurs nutritionnelles. En complément de ces informations devront également figurer les teneurs en sel, sucre et acides gras saturés. Seulement la loi proposait également, suite au rapport de Serge Hercberg, épidémiologiste de la nutrition, un affichage de feu colorés sur la face avant des emballages.


Cette proposition n’a pas fait l’unanimité auprès des industriels qui, via l’ANIA (Association Nationale des Industries Alimentaires), se sont fortement mobilisés à son encontre. En effet, cette classification aurait favorisé les comparaisons entre marques. Lutte d’arguments donc entre l’ANIA et FOODWATCH (ONG Allemande mobilisée pour défendre des droits des consommateurs) qui ont eu raison de cette loi en apportant des « aménagements ». Le lobbying des Industriels semblent avoir gagné cette fois-ci car le feu tricolore ne sera pas.

Le programme REACH : retour en arrière ? 

Le programme REACH (Enregistrement, Evaluation et Autorisation des Produits) est né en 2003 du constat que l’utilisation de substances chimiques avait un impact sur notre quotidien.
Roundup, herbicide composé de glyphosate, le plus utilisé dans le monde, est fabriqué par la Société Monsanto.  Après avoir fait l’objet d’une interdiction qui arrive à terme fin juin, la controverse revient sur le devant de la scène : la Commission et les Etats membres voteront les 18 et 19 mai prochains s’il sera de nouveau homologué pour les sept prochaines années.
Dans cette perspective, des expertises scientifiques ont été sollicitées : dix-sept experts de onze pays réunis par le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer) créé par l’OMS ; et dans l’autre « camp » des experts de l’Efsa (European Food Safety Society), jugeant les risques cancérogène du glyphosate « improbable », réuniraient des scientifiques « maison » ayant des liens d’intérêts avec les industries agro-alimentaires, qui elles-aussi ont leurs lobbyistes.

L’UE est-elle réellement libérale et représentative des votes des citoyens Européens ou les résultats seront-ils systématiquement biaisés par l’intervention des lobbyistes qui, dans la course au bon timing, arriveront les premiers…ou pas. Rendez-vous dans dix jours.

Par A.PISICA, MC.PAQUIN, I.AURIES, E.de St Exupéry, N.MELL, L.DOMENIGHETTI (Paris).